Ce qu'il en reste
Suzanne, 65 ans, et Jean Bonnarel, 69 ans, retraités, Saint-Hilaire
Jean – Vers 4 h du matin, j’ai été réveillé par un éclair dans la climatisation.
Les toilettes faisaient « glouglou ». Je suis allé à la fenêtre de la chambre et l’eau atteignait le rebord de fenêtre. Un mètre quarante d’eau. Quand j’ai vu ça,
j’ai dit qu’il fallait s’habiller et s’en aller. On a essayé de sortir, mais impossible d’ouvrir la porte.
Suzanne – J’ai appelé les pompiers, ils m’ont dit qu’ils allaient venir. Ils m’ont
dit de débrancher tout ce que je pouvais. J’ai pris un sac et j’ai mis tout
ce que je pouvais (chéquiers, lunettes, portefeuille, livret de famille...).
J’ai rappelé les pompiers, je leur ai dit que s’ils ne venaient pas, ils auraient deux morts. J’ai peur de l’eau, je ne sais pas nager. Les portes se sont dégondées.
On a pris deux chaises dans la cuisine, on est monté dessus et on est resté comme ça une heure, main dans la main, à attendre. Au bout d’une heure, une heure et demie, on a vu une clarté par la vitre, c’était le voisin qui criait pour voir si on était en vie.
Jean – Je suis allé en nageant à la porte pour le prévenir. Il a ouvert la porte-fenêtre et il est parti cinq mètres en arrière. J’ai cru qu’il allait y passer.
Suzanne – Il m’a pris sur son dos et on est sorti. Si on avait réussi à ouvrir
la porte, l’eau serait montée d’un coup et nous aurait emportés ou rabattus comme les meubles. Ma voisine m’a dit : « Je vous ai cru morts noyés. »
Il y avait tellement de remous chez nous.
Jean – En face, ils avaient deux mètres d’eau. Je pensais que c’était le Lauquet qui nous avait inondés, et quand on m’a dit une vague, je n’y croyais pas.
La vague est passée par-dessus les maisons. Et la boue partout. Des gens
sont venus, pas pour bader mais pour nous aider, comme les jeunes agriculteurs de Castel, la famille...
Suzanne – Partir d’ici ? Moi, ça m’a titillée.
Jean – Moi non, le Lauquet, je l’ai toujours vu monter, comme en 1999, il était monté jusqu’au petit muret. Au bout d’un mois, les plâtres étaient secs.
On a voulu revenir. C’est là que cela a été dur.
Suzanne – On est revenu en mars, on a fait notre premier repas de famille. On n’a pas vu de psychologue. On a beaucoup parlé avec la famille.
Jean – Aujourd’hui, s’il remonte, on s’en va. Mais ce qui est arrivé, c’est une vague, pas une inondation. Quand je le vois monter, j’ai la trouille, mais il faut arriver à surmonter cette peur. La chose que je regrette, c’est d’avoir perdu le carnet de 14-18 de mon grand-père.