PORTFOLIO: Ce qu'il en reste, France: Ce qu'il en reste

Nordin El-Faquir, 48 ans, employé au Super U de TrèbesCe jour-là, comme tous les matins, je vais travailler. Ma femme avait écouté la météo, elle ne voulait pas trop que j’y aille. Je l’ai rassurée, et je suis parti au travail. La route était un peu inondée. J’arrive le premier au Super U, il est 4 h 45. Puis le reste de l’équipe arrive.Avec l’heure qui avance, on voyait l’eau monter, monter, monter... Nous sommes allés nous réfugier au niveau des bureaux au premier étage. On avait l’électricité, c’était chauffé, on avait tout, même le café ! Au vu de la situation, j’ai eu envie de rentrer chez moi, mais mon chef me l’a interdit. Par contre, j’ai insisté pour aller garer ma voiture plus haut. Le reste de l’équipe a fait de même. En revenant au magasin, on avait de l’eau aux genoux.Nous étions dans le bureau de la gérante. On ne pouvait rien faire. Et puis, plus d’électricité. Les alarmes incendies et intrusion se sont déclenchées. Nous avions les sirènes qui hurlaient dans les oreilles, ça a duré toute la matinée. C’est auto-alimenté, j’ai donc donné un coup de cutter au niveau des fils de l’alarme intrusion. Mais l’alarme incendie continuait. J’ai colmaté, mais on l’entendait toujours. On était tous mouillés jusqu’à la taille. J’ai mis des sacs-poubelles à chaque jambe, puis je suis allé chercher quelque chose à manger pour l’équipe : dans le magasin, tout flottait... Au bout d’un moment, on n’avait plus de batterie. Sauf Florian qui avait un téléphone à clapet. Chacun y mettait sa puce à tour de rôle pour prévenir sa famille. Une murette était tombée chez moi, je voulais partir, mais mon chef et une collègue m’ont retenu. Je ne voyais pas l’eau comme un danger, je me disais que je pouvais nager, je n’avais pas peur. Avec du recul, je réalise que c’était inconscient de vouloir sortir. Je pense qu’on est sorti à 14 h 30, avec le camion de pompiers. C’est l’associé de mon chef qui m’a ramené à la maison. Pendant les trois mois qui ont suivi, je suis resté auprès de ma femme qui avait besoin de moi, puis j’ai repris le travail.
Ce qu'il en reste

Nordin El-Faquir, 48 ans, employé au Super U de Trèbes 

Ce jour-là, comme tous les matins, je vais travailler. Ma femme avait écouté la météo, elle ne voulait pas trop que j’y aille. Je l’ai rassurée, et je suis parti au travail. La route était un peu inondée. J’arrive le premier au Super U, il est 4 h 45. Puis le reste de l’équipe arrive. 

Avec l’heure qui avance, on voyait l’eau monter, monter, monter... Nous sommes allés nous réfugier au niveau des bureaux au premier étage. On avait l’électricité, c’était chauffé, on avait tout, même le café ! Au vu de la situation, j’ai eu envie de rentrer chez moi, mais mon chef me l’a interdit. Par contre, j’ai insisté pour aller garer ma voiture plus haut. Le reste de l’équipe a fait de même. En revenant au magasin, on avait de l’eau aux genoux. 

Nous étions dans le bureau de la gérante. On ne pouvait rien faire. Et puis, plus d’électricité. Les alarmes incendies et intrusion se sont déclenchées. Nous avions les sirènes qui hurlaient dans les oreilles, ça a duré toute la matinée. C’est auto-alimenté, j’ai donc donné un coup de cutter au niveau des fils de l’alarme intrusion. Mais l’alarme incendie continuait. J’ai colmaté, mais on l’entendait toujours. On était tous mouillés jusqu’à la taille. J’ai mis des sacs-poubelles à chaque jambe, puis je suis allé chercher quelque chose à manger pour l’équipe : dans le magasin, tout flottait... Au bout d’un moment, on n’avait plus de batterie. Sauf Florian qui avait un téléphone à clapet. Chacun y mettait sa puce à tour de rôle pour prévenir sa famille. Une murette était tombée chez moi, je voulais partir, mais mon chef et une collègue m’ont retenu.  

Je ne voyais pas l’eau comme un danger, je me disais que je pouvais nager, je n’avais pas peur. Avec du recul, je réalise que c’était inconscient de vouloir sortir. Je pense qu’on est sorti à 14 h 30, avec le camion de pompiers. C’est l’associé de mon chef qui m’a ramené à la maison. Pendant les trois mois qui ont suivi, je suis resté auprès de ma femme qui avait besoin de moi, puis j’ai repris le travail.