Ce qu'il en reste
Guy Mestre, retraité et pompier bénévole, 59 ans, Limoux
Il y a de plus en plus de catastrophes. Les vigilances orange sont nées avec les inondations de 1999. On se rappelle encore de Vaison-la-Romaine, un évènement qui a préparé en quelque sorte aux inondations à venir. La rivière est passée sur le pont à Saint-Hilaire, à douze mètres de hauteur. Quand on sait qu’il y a des maisons en contrebas, on essaie de trouver une route d’accès.
Je me suis rendu à Saint-Hilaire par en haut et je suis allé à la maison de retraite. C’était le premier point, car ce sont des personnes vulnérables, cinquante-deux résidents. Il y avait de l’eau à la hauteur des matelas. J’y étais vers 5-6 h , je ne sais plus exactement, dans ces moments-là on ne regarde plus trop la montre. En tant que pompier, les situations se suivent, ne se ressemblent pas, et on fait preuve d’adaptation. On savait que l’Ehpad était en zone inondable. La présence du personnel est capitale car ils connaissent les résidents. Ils ont été évacués dans des minibus adaptés vers l’hôpital de Limoux. Tout s’est passé dans le calme, avec la bienveillance du personnel et l’aide du centre hospitalier.
Ensuite, il y avait 450 personnes à faire manger. Mes gars avaient les pieds dans la boue, ils bossent dur, c’est physique. On mérite plus qu’un sandwich à midi, alors un jour je leur ai dit : « Demain, on mange chaud ! » Qu’est-ce que je n’avais pas dit. En face de moi, il y avait des personnes qui pleuraient ! On a amené un véhicule de logistique. On a été victime de notre succès, les bénévoles, la sécurité civile, les habitants, tous sont venus... on a occupé l’école. Quand les bénévoles extérieurs repartaient, les habitants faisaient des allées d’honneur et les applaudissaient. Je leur ai dit : « Il va falloir perdre l’habitude de faire ça, car bientôt vous allez vous retrouver seuls, et c’est ça le plus dur, quand il n’y a plus personne.» Nous, on a une vision globale, on a nettoyé les maisons, les rues... Quand on a nettoyé l’Ehpad, avec deux cents jeunes du sud de la France, je leur ai dit : «Vous voyez ces locaux, il y avait des papys et des mamies, ça aurait pu être les vôtres, alors on va nettoyer pour eux et les gens qui y ont travaillé.»
Dans ces périodes de crise, il faut avoir l’esprit de solidarité. Avec les élus, on a trouvé une écoute qui est à souligner. Et les gens, surtout des femmes, nous ont aidés pour la logistique, même après comme Angélique [Delpech] ou Albane [Dreux]. C’est plus qu’un élan solidarité, c’est de la compassion envers nous. Cela nous a facilité le travail. Il ne faut pas attendre des moments comme ça pour aller vers les autres, être solidaire, faire de belles actions, aider les gens à sortir de l’embarras.